#24 Edito đ§ Les succĂšs Netflix
â Pourquoi les derniers succĂšs de la plateforme ne ressemblent pas qu'Ă une bonne nouvelle ? â
Hello Ă tous et toutes, aujourd'hui je vous propose un nouveau format, un petit Ă©dito pour mieux comprendre une pratique du monde des sĂ©ries. Ce monde entre art et business, une tension constante que je trouve Ă bien des Ă©gards passionnante, et si je parle habituellement de mon apprĂ©ciation critique des Ćuvres artistiques je vous propose par ce format de passer un instant de lâautre cĂŽtĂ©, where money ruuuules !
Et juste avant jâaimerai partager la news sĂ©rie de la semaine, Ă savoir lâarrĂȘt dâEn ThĂ©rapie aprĂšs deux saisons, comme la sĂ©rie israĂ©lienne originelle, une dĂ©cision apparemment artistique plus que business puisque Nakache et Toledano expliquent vouloir se recentrer sur le grand Ă©cran. Câest le plus grand succĂšs dâArte en streaming Ă ce jour mais ne vous inquiĂ©tez pas, une mini-sĂ©rie gĂ©niale arrive en reco la semaine prochaine.
Ceci Ă©tant dit place Ă lâEdito, cette chronique qui me ramĂšne quelques annĂ©es en arriĂšre quand je travaillais mon mĂ©moire sur Netflix et lâintensification de sa concurrence. Ahi vamos
Depuis trois semaines, je lis partout Netflix et Ryan Murphy se fĂ©liciter tels deux bons copains du succĂšs de leur dernier bĂ©bĂ© Dahmer. Pour rappel Ryan Murphy câest un grand showrunner amĂ©ricain connu notamment pour POSE, American Horror Story et Glee. Il y a quelques annĂ©es il a signĂ© un contrat juteux avec Netflix et pond dĂ©sormais des sĂ©ries Ă la chaine, avec une qualitĂ© ma foi dĂ©croissante. Dahmer câest tout ce que le rĂ©alisateur affectionne : de lâhorreur, une histoire vraie et une dĂ©nonciation politique du sort des communautĂ©s LGBT et noires. Et jackpot : la sĂ©rie bat des records dâaudience en veux tu en voilĂ . La sĂ©rie est devenue en quelques semaines le deuxiĂšme plus gros hit anglo-saxon de la plateforme (derriĂšre Stranger Things) avec notamment 196 millions de spectateur en une semaine. Une bonne nouvelle pour tout le monde, ou presque.
Plus tĂŽt cette annĂ©e Netflix avait dĂ©jĂ annoncĂ© une pluie de records pour The Sandman et pour la derniĂšre saison de Stranger Things (Ă lâorigine de 1.3 milliards dâheures visualisĂ©es en 28 jours), des chiffres hallucinants qui banaliseraient presque cette derniĂšre news. QuâĂ cela ne tienne, la firme sây adonne et je la comprends. Câest certainement la meilleure rĂ©ponse que lâentreprise californienne a trouvĂ© pour compenser sa perte historique dâabonnĂ©s au second trimestre de 2022 (-1 million). Une communication efficace qui met en avant ce que lâon attend en tant quâabonnĂ©s de lâentreprise : des bonnes sĂ©ries -ou des films, je suis biaisĂ© je sais.
Personnellement ces trois sĂ©ries mâen ont touchĂ© une sans faire bouger lâautre mais lĂ nâest pas la question, pas cette semaine. Car derriĂšre ces gros titres allĂ©chants, une autre lecture moins reluisante est possible. Alors pourquoi ces succĂšs ne sont pas quâune bonne nouvelle -mĂȘme pour Netflix ?
Si jâĂ©tais de mauvaise fois, je pourrais dire que si tout le monde a regardĂ© ces trois sĂ©ries lĂ , câest parce quâelles sont les moins mauvaises nouveautĂ©s de lâannĂ©e. Oh le goujat ! Not cool bro. Des expressions pour tous les goĂ»ts. Bref, dâaucuns aiment rĂ©pĂ©ter que Netflix perd en qualitĂ© depuis quelques annĂ©es, que les saisons font huit Ă©pisodes max et ne dĂ©passent jamais le nombre de trois, que tout nâest que mini-sĂ©rie et que les rebondissements dictĂ©s par la sacro-sainte big data perdent en saveur en sâindustrialisant. Personnellement je trouve ça rĂ©ducteur, jâai regardĂ© de bonnes sĂ©ries sur Netflix cette annĂ©e, il nây a pas que de la merde, en tĂ©moigne mes watchlists de mars (DrĂŽle, Big mouthâŠ) et de septembre (Les 7 vies de LĂ©a, MO, KleoâŠ).
La plateforme pousse davantage quelques contenus, facilitant un record ci et lĂ
Je crois par contre que la plateforme a changĂ© de stratĂ©gie marketing, mettant tous ses Ćufs dans quelques paniers comme Dahmer ou Stranger Things sans trop diversifier sa promotion de contenus pour justement crĂ©er ces big news. Fut un temps oĂč Netflix refusait toute ligne Ă©ditoriale sous couvert dâavoir un catalogue assez fournis pour quâun simple algorithme de recommandation personnalise suffisamment lâinterface de chaque abonnĂ©, de sorte Ă ce quâil sache facilement quoi regarder. Force est de constater quâune certaine homogĂ©nĂ©isation par le bas sâinstalle, aidĂ©e par la mise en avant dâun top 10 racoleur en page dâaccueil. Une nouvelle catĂ©gorie personnalisĂ©e par pays -et non par abonnĂ©- qui favorise le fameux the winner takes it all. Je ne dis pas que Dahmer ne mĂ©rite pas son succĂšs, je dis simplement que la plateforme pousse davantage quelques contenus, facilitant un record ci et lĂ , indĂ©pendamment de la qualitĂ© de lâĆuvre, misant sur les gros noms ou grosses franchises et minimisant les risques.
En dehors de sa plateforme Netflix a Ă©galement fait des efforts colossaux de promotion, notamment pour Stranger Things et sa quatriĂšme saison au coĂ»t de production presquâanodin -un quart de milliard de dollars- un autre record pour lâentreprise, cette fois directement pĂ©cunier. Un investissement accompagnĂ© dâun fort travail de marketing -par ailleurs inventif- qui vient palier au mode de diffusion des Ă©pisodes Ă la Netflix. Si Netflix a crĂ©Ă© les conditions nĂ©cessaires pour que le binge-watching advienne, le corolaire veut que le spectateur passe plus vite Ă autre chose, lâeffet bouche Ă oreille se perd. Le revers de la mĂ©daille de la sortie en simultanĂ©e de tous les Ă©pisodes en quelque sorte.
La comparaison avec les toutes rĂ©centes House of the Dragon et Les anneaux de pouvoir est criante. Leur simple rythme de diffusion hebdo fait perdurer organiquement leurs noms dans lâactualitĂ© et dans les conversations de sĂ©riephiles. Pour compenser Netflix doit mettre le paquet en marketing et se voit contraint de diviser en deux temps la sortie de ces plus gros hits. Tiens donc, seulement 35 jours sĂ©parent la partie 1 et 2 de la saison 4 de Stranger Things, comme câest curieux. Non seulement la durĂ©e de vie en page dâaccueil sâallonge mais surtout on est obligĂ© de payer au moins deux mois pour regarder lâintĂ©gralitĂ© de la saison dĂšs sa sortie, juste au cas oĂč. De mĂȘme pour The Sandman qui a vu un Ă©pisode supplĂ©mentaire ĂȘtre ajoutĂ© 14 jours aprĂšs les dix premiers, hop câest cadeau. Son hit You aussi verra sa prochaine saison divisĂ©e en deux parties avec 28 jours dâĂ©cart.
Ainsi Netflix a adapté son modÚle habituel pour donner naissance à ces nouveaux records qui seront prochainement encore battus, cela va de soi.
Netflix a la fùcheuse tendance de communiquer ses audiences de maniÚre trÚs arbitraires, y compris avec les créateurs avec qui elle collabore
Evidemment tout ça est basĂ© sur des chiffres, rien de discutable. Encore faut-il bien les comprendre, les contextualiser. Comme disent les espagnols, me explicĂł : les chiffres annoncĂ©s habituellement sont assez discutables, il suffit de regarder un contenu pendant deux minutes pour ĂȘtre comptabilisĂ© comme un spectateur. Une bande annonce est le tour est jouĂ©. Blague Ă part Netflix a la fĂącheuse tendance de communiquer ses audiences de maniĂšre trĂšs arbitraires, y compris avec les crĂ©ateurs avec qui elle collabore, gĂ©nĂ©rant quelques frustrations. Câest ce quâexpliquait Fanny Herero -la showrunneuse de DrĂŽle et Dix pour cent- Ă TĂ©lĂ©rama, dĂ©crivant une relation douce-amĂšre avec Netflix due au manque dâinformation sur la rĂ©ussite (ou non) de sa sĂ©rie DrĂŽle.
Ce nâest pas un secret, je reste attachĂ© aux mĂ©thodes de diffusions ancestrales -Ă lâĂ©chelle de vie dâun millĂ©nial- oĂč chaque semaine lâaudience Ă©tait davantage liĂ©e Ă lâapprĂ©ciation des spectateurs qui reconduisaient ou non leur intĂ©rĂȘt. En tĂ©moigne le succĂšs dâEuphoria en janvier et fĂ©vrier de cette annĂ©e. Je digresse lĂ©gĂšrement mais je tiens Ă appuyer que le binge-watching favorise lâengloutissement de sĂ©ries de piĂštre qualitĂ©, baissant la garde du spectateur en dĂ©jouant son regard critique qui nâa pas le temps de reset entre chaque Ă©pisode.
Je constate donc une transparence asymétrique troublante, compréhensible certes mais peu convaincante. On a rien sans rien. Par prudence je ne peux rien conclure de cette opacité, juste la souligner et mettre en lumiÚre que ces derniers succÚs sont à prendre avec des pincettes, à décorréler de la qualité des contenus et tributaires de certaines mutations du modÚle Netflix.
DĂšs novembre, lâentreprise lancera dâailleurs un abonnement Ă 5,99⏠par mois contre 5 minutes de publicitĂ© par heure, symbole dâun certain retour en arriĂšre peut-ĂȘtre annonciateur dâautres changements.
Pas encore abonné·e à CÎté séries ? laisse-moi te convaincre :
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câest pas plus dur de se dĂ©sabonner si jamais ĂŽ grand jamaisâŠ
Pas de reco cette semaine mais⊠âš
Jâaimerais prĂ©senter une nouvelle fois, notamment pour les nouveaux et les nouvelles abonnĂ©-es, les diffĂ©rents formats dâarticles CĂŽtĂ© sĂ©ries :
La critique - analyse dâune sĂ©rie populaire en long en large et en travers
Vos préférés : Euphoria, La Flamme/Le Flambeau, Sex Education
La reco - mise en avant dâune nouvelle pĂ©pite
Vos préférés : Les papillons noirs, Tear along the dotted line
La watchlist - sélection de séries pour une plateforme donnée
La sĂ©lection - choix de contenus de qualitĂ© autour dâun thĂšme donnĂ©
Le guide - liste décalée pour répondre à un problÚme précis
Pour rappel ma porte digitale est toujours grande ouverte donc nâhĂ©site pas Ă rĂ©pondre Ă ce mail pour discuter sĂ©ries, me donner ton feedback ou mĂȘme parler projets !
La bise et Ă dimanche prochain pour âŠ