#14 Critique đ„đ Le Flambeau (+ La Flamme)
Comique de lourdeur - Parodie de télé-réalité - Comédie française - Jonathan Cohen - myCanal - Comique de lourdeur x2 (eh oui c'est lourd)
Impossible de passer à cÎté du phénomÚne Jonathan Cohen depuis quelques années, avec sa popularité aussi intarissable que consensuelle, un combo bien assez rare qui emporte tout sur son passage. Car il en a fait du chemin depuis Serge le mytho, continuant sa percée sur le petit écran ces derniÚres années en incarnant -avec tout son génie- Joseph le protagoniste de Family Business, une série recommandée dans la derniÚre Watchlist Netflix.
Roi de la promo, il revient en force dans l'espace mĂ©diatique pour prĂ©senter la nouvelle fournĂ©e de sa comĂ©die parodique pour Canal+, rebaptisĂ©e Le Flambeau pour sa nouvelle saison. Et tout le gratin de l'humour français est encore conviĂ© pour cette aventure oĂč seul semble manquer le rire. Car il a rĂ©ussit lâexploit dâĂȘtre plus marrant en quelques spots publicitaires parodiĂ©s quâavec la sĂ©rie promue. Alors c'est parti pour une petite analyse du comique de cette sĂ©rie populaire française qui ne m'a pas fait rire pour un sous vous lâaurez compris, et je vous jure que je ne suis pas de mauvaise foi. La preuve juste đ
Dâabord, quâest-ce que ça raconte ? đ
Le Flambeau est une parodie de Koh Lanta dans laquelle Jonathan Cohen reprend son rĂŽle de Marc, le pilote cĂ©libataire qui avait tentĂ© sa chance dans La Flamme, une parodie du Bachelor. Cette fois ci ce nâest pas lâamour mais bien la modique somme de 450⏠quâil va tenter de gagner, Ă moins que l'honneur ne revienne Ă un des autres participants.
Pour information dans cette critique LF représente aussi bien La Flamme que Le Flambeau.
Pourquoi Le Flambeau nâest pas drĂŽle ? đđȘš
Parler d'une dĂ©ception avec Le Flambeau serait mentir tant La Flamme avait mis la barre trĂšs bas selon moi, ayant pris l'eau dĂšs son deuxiĂšme Ă©pisode. Pourtant Le Flambeau rĂ©ussit Ă faire pire en ne gardant de la sĂ©rie mĂšre que les blagues les plus lourdes et les personnages les moins convaincants. Le constat est donc sans appel : LF, aussi bien vendu soit-elle par le gĂ©nial Jonathan Cohen, nâest pas une comĂ©die qui mĂ©rite le dĂ©tour. Et câest dâautant plus dĂ©routant que les tentatives pour nous faire rire sont nombreuses, pour ne pas dire omniprĂ©sentes voire Ă©touffantes. Alors jetez-y un coup dâĆil pour rassasier votre fomo1 le temps dâun Ă©pisode mais nul doute quâil ne fera que confirmer les vĂŽtres et les critiques qui vont suivre. Ready ?
Le plus agaçant avec Le Flambeau câest sa structure linĂ©aire, un souci hĂ©rĂ©ditaire de La Flamme qui souffrait du mĂȘme symptĂŽme : lâenvie de reproduire toujours la mĂȘme chose. Une fĂącheuse tendance qui a pour dĂ©faut de mettre davantage en avant le personnage qui va se faire Ă©liminer lors de lâĂ©pisode en question, tuant ainsi le peu de suspense qui Ă©manait du scĂ©nario et dont le spectateur de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© aime se rĂ©jouir. Un comble. Mais il faut dire que la sĂ©rie nâaime pas les surprises et prĂ©fĂšre sâenfoncer dans lâunique direction quâelle a briĂšvement esquissĂ© pour chacun de ses personnages ou pour elle-mĂȘme. Ainsi la lesbienne de lâaventure sera un garçon manquĂ©, et donc elle deviendra flic, et encore mieux une bonne flic bien raciste. Et si on lui faisait faire un dĂ©lit de faciĂšs dĂšs le premier Ă©pisode, ce serait drĂŽle non ? Bingo.
Câest dommage car quand en premiĂšre saison la sĂ©rie ose aller Ă lâencontre de son propre clichĂ©, elle nous offre un gentil petit rire, mignon car assez rare, sans pour autant nous amener Ă lâĂ©clat. L'exemple sera facile Ă trouver puisqu'il n'y en a qu'un : quand Florence Foresti joue une aveugle imbattable au bowling et au billard, un sketch amusant et utile qui montrait que l'amour de Marc avait une limite, son amour propre ! De la bonne parodie, qui soulignait habilement la seule contradiction du personnage principal, trĂšs rare malheureusement. Ah jâavais dĂ©jĂ dit rare un peu plus haut ? pas grave câest du comique de rĂ©pĂ©tition.
Malheureusement, Le Flambeau n'a rien appris des Ă©cueils de La Flamme. Le premier Ă©pisode met en scĂšne un homme-bulle, qui aprĂšs deux trois jeux de mots qu'on feindra de ne pas entendre pour Ă©viter toute gĂȘne avec ses cospectateurs, perce sa combinaison protectrice Ă la premiĂšre Ă©preuve. AĂŻe. Pas besoin d'ĂȘtre Paul le Poulpe pour voir venir cette gamelle Ă©vidente, mais il faut peut-ĂȘtre ĂȘtre un enfant de quatre ans pour en rire. On ne parlera pas du second Ă©pisode et des fuites de caca suite Ă une turista, ni du flambeau Ă©lectrique qui sâĂ©teint au dĂ©part des candidats. Les gags se rĂ©pĂštent plus qu'ils ne se renouvellent et on se lasse devant un humour aussi redondant. Pour rire il aurait fallu nous surprendre, par exemple que quelqu'un d'autre que ChatalĂ©rĂ© montre son cul ou mĂȘme qu'elle s'appelle Sainte-nitouchĂ©. Et non le retour de Soraya au cĆur de singe⊠avec un cĆur de gorille. Jesus Christ2, comme si je n'avais pas dĂ©jĂ assez ri en premiĂšre saison. Formidable.
Alors pourquoi ça ne marche pas ? Le burlesque, les jeux de mots, les personnages caricaturaux, sont pourtant des ingrĂ©dients qui fonctionnent. Oui mais quand ils sont employĂ©s avec finesse et parcimonie, ou au moins un des deux. Ici on a ni lâun ni lâautre, tout tombe dans le prĂ©visible or c'est le cĂŽtĂ© inattendu qui fait rire. LF franchit officiellement la limite de la lourdeur, autrement dit un aller-simple vers les yeux levĂ©s aux ciels. En trente minutes dâĂ©pisode je confesse avoir lĂąchĂ© trois ou quatre rares rires timides, et c'est peut-ĂȘtre ça la plus grosse surprise. (Jâai encore dit rare ? Oupsi)
Alors parlons-en du comique de rĂ©pĂ©tition, un procĂ©dĂ© dont je raffole mais qui dans la sĂ©rie m'exaspĂšre. Savamment maitrisĂ© il brille en revenant Ă la charge quand on ne s'y attend pas, dans un nouveau lieu, un nouveau contexte, via un autre personnage ; ou bien quand il file un dialogue dĂ©calĂ©. Pas de chance, dans LF le comique de rĂ©pĂ©tition se rĂ©sume Ă faire dire au mĂȘme personnage la mĂȘme chose peu importe ce qu'il se passe et oĂč il se trouve. âComme par hasardâ. Bon OK celui-lĂ me fait sourire.
LF propose donc un humour invariable, "dĂ©bile" au sens OSS 117 du terme. A l'opposĂ© de tout ce qu'on peut apprendre en thĂ©Ăątre d'improvisation dont l'une des premiĂšres leçons est que parfois se rĂ©frĂ©ner d'une blague facile qui dĂ©crocherait un sourire permet d'arriver Ă un fou rire quelques minutes plus tard. Une sage leçon. S'en suivent des leçons d'Ă©coute (jâai encore dit leçon ?), l'envie de construire un dialogue, ensemble. En dâautres termes tout ce que la sĂ©rie fuit pour tomber dans un concours de punchlines, jaillissant de toute part mais ne se rĂ©pondant jamais et prenant la forme dâun dĂ©filĂ© de mĂšmes viraux quâon retrouve dĂ©jĂ sur les rĂ©seaux -et qui gagne bizarrement Ă ĂȘtre sortis de son contexte. PrĂ©sentĂ© comme ça cela semble presque tolĂ©rable mais le rendu est si forcĂ© qu'il en devient indigeste. Avec son trop plein de vannes, LF nous asphyxie et ne laisse aucun espace pour la mise en place dâune vraie intrigue. On fonce tĂȘte baissĂ©e en sacrifiant toute tension narrative. RĂ©sultat : toute pĂ©ripĂ©tie nous passe au dessus, aussi lourde soit-elle. Not on the floor.
Pourquoi Le Flambeau rate le coche dâune bonne parodie de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© ? đșđ
Et je crains que si on en arrive lĂ c'est parce que derriĂšre ce montage cocaĂŻnĂ© qui veut nous faire croire -comme ces traces de trop- que tout est amusant, la sĂ©rie n'a rien Ă dire, elle n'a pas de message Ă vĂ©hiculer. Elle jacte pour sâĂ©couter.
Or il y a des choses Ă dire sur la tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© : un business lucratif qui fait partie intĂ©grante de notre culture occidentale moderne, avec un impact certain sur les nouvelles gĂ©nĂ©rations3 mais pas que, elle renforce le jeux des apparences, des rĂ©seaux sociaux, glorifie la violence verbale. Et sans la diaboliser il y avait un boulevard humoristique Ă railler lâindustrie en tant que telle, en exploitant les travers et les dĂ©fauts du genre. Car dans sa moquerie LF sâest malheureusement arrĂȘtĂ©e aux personnages caricaturaux. Cependant ils le sont sous couvert dâune production qui force leur trait pour les faire rentrer dans des cases, au travers dâun montage de sĂ©quences Ă rallonge dans le confessionnal⊠Il y avait plein de travers que la sĂ©rie aurait pu dĂ©tourner pour nous faire rire : des gĂ©nĂ©riques kitchs, des plans oĂč se pointent parfois des micros, des sĂ©quences de nuit indigestes. Et donc plutĂŽt que de repartir dâune scĂšne avec un clichĂ© de lâenfer oĂč la flic fait un dĂ©lit de faciĂšs Ă lâinfluenceur mĂ©tis, on aurait pu voir la production la manipuler pour quâelle le fasse et en parallĂšle pousser lâautre Ă rĂ©sister pour crĂ©er un buzz. Rien de bien brillant mais un degrĂ© de plus entre la bĂȘtise et nous ne fait jamais de mal.
Parlons aussi du prĂ©sentateur, qui dans LF est Ă©pargnĂ© des clichĂ©s puisquâil est garant d'un minimum de bon sens, tel le bon spectateur. Au contraire jâaurai aimĂ© lâimaginer imbu de lui mĂȘme, faussement Ă lâĂ©coute des participants, il aurait pu ĂȘtre lâintermĂ©diaire entre une production prĂȘte Ă tout pour du show et des personnages pas fut-fut mais esseulĂ©s. D'ailleurs Marc aurait Ă©tĂ© parfait pour le job dans Le Flambeau, bien plus qu'un candidat, nous rĂ©galant de grandes tirades et dialogues Ă quiproquo comme JoCo4 en a le secret. Non Ă la place dans LF, se succĂšdent un nombre de guests connus qui viennent jouer le coach sportif ou le psy tels des cheveux sur la soupe, sans trop apporter Ă une intrigue quâon cherche encore et sâĂ©loignant mĂȘme du concept des Ă©missions originales quâon regretterait presque.
Alors oui, jâaurai aimĂ© que la sĂ©rie dĂ©nonce les dĂ©rives dâune industrie, sans se limiter Ă des personnages caricaturaux qui nâĂ©voluent pas dâun poil en 9 Ă©pisodes. Car Ă dĂ©faut dâĂȘtre drĂŽle on aurait au moins eu ça. Mais non. Lâunivers dâemprunt est simplement racoleur et LF continue dans lâopportunisme en surfant sur l'immense popularitĂ© de Koh Lanta. Pourtant une autre sĂ©rie amĂ©ricaine avait montrĂ© la voie, UnREAL, disponible aussi sur myCanal et qui donnait vie Ă toutes les manipulations en coulisse de la production du Bachelor, de façon dramatique certes mais laissant bien de la place Ă une version comique toute aussi divertissante -voir Que regarder Ă la place ? đ. Pas de chance, La Flamme sâest contentĂ©e dâĂȘtre la simple adaptation de la sĂ©rie amĂ©ricaine de 2012 de Ben Stiller, Burning Love.
En quelque sorte donc La Flamme a Ă©tĂ© Ă©crite il y a 10 ans, et je crois bien que ça se voit, emprunte dâun male gaze patent. Or depuis 2012 on a quand mĂȘme eu MeToo, la lĂ©galisation du mariage homosexuel en France, lâouverture dâun dĂ©bat autour de la masculinitĂ© toxique. Rien que ça. Mais cela reste totalement invisible dans cette adaptation du Bachelor, une tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© aux antipodes de ces rĂ©volutions. DâoĂč le besoin peut-ĂȘtre plus pressant dâinclure la production dans la parodie, histoire de mettre plus de distance entre cet humour vieille France et les scĂ©naristes. Et Ă ceux qui disent que câest pour rire, quâon sait trĂšs bien quâils ne pensent pas ça. Vous ne trouvez pas quâil y a quelque chose de problĂ©matiques dans le fait de tout mettre au mĂȘme plan ? On aurait pas plus ri de voir la prod forcer la lesbienne Ă jouer le garçon manquĂ© plutĂŽt que de reprendre directement le clichĂ© ? Je crois bien que si. Ca aurait montrĂ© du recul sur ces stĂ©rĂ©otypes lassants et instaurĂ© des situations avec un dĂ©calage entre ce quâest le personnage et ce quâil doit dire. On rentrerait dans une zone qui pourrait nous surprendre, on verrait un mĂȘme dialogue sous une autre lumiĂšre, qui sait avoir un comique de rĂ©pĂ©tition bienvenu. Alors bien sĂ»r ca voudrait aussi dire que les personnages ne doivent pas ĂȘtre unidimensionnels, mais si câest trop de boulot, je comprends.
Car -et je terminerai là -dessus- le problÚme fondamental c'est que rien n'est introduit, les personnages se résument souvent en deux mots, qui par exploit forment entre eux un pléonasme, du moins dans les yeux d'un vieux crouton. Par exemple la lesbienne garçon manqué, la belle-gosse écervelée, la pieuse coincée du cul, la vieille sourde⊠Il ne font preuve d'aucune contradiction interne, de motivations paradoxales. Les relations qui les nouent sont inexistantes. Tout est si unidimensionnel qu'il n'y a pas de place pour créer du décalage, une quelconque tension. Ils l'effleurent juste avec Marc en costume sur l'ßle qui pense ne rien construire de ses mains et éteint le feu car la lumiÚre le réveil quand il dort, un sourire qui aurait mérité plus d'attention.
Conclusion đ„
Quel dommage de voir Jonathan Cohen, Ă lâinstar du reste de la distribution cinq Ă©toiles, prendre part Ă une sĂ©rie dâune lourdeur rare (jâai dĂ©jĂ dit rare ?) oĂč aucun dialogue ne dure suffisamment pour laisser son gĂ©nie briller -pourtant il lâa Ă©crite... Et sâil nây a rien de surprenant Ă voir des personnages caricaturaux prendre place dans une parodie, leur vocabulaire limitĂ© Ă quelques expressions seulement et lâabsence totale de dĂ©veloppement au fur et Ă mesure des Ă©pisodes deviennent trĂšs vite agaçants. Un film aurait suffit Ă abrĂ©ger mes souffrances. Et si câest presque attristant de voir un si joli casting dĂ©cevoir, nâoubliez pas que sans lui, on nâaurait jamais eu lâidĂ©e de regarder, et pire on aurait jamais douter de notre envie de critiquer. Mais ne nous mentons-pas, ni La Flamme ni Le Flambeau sont recommandables. Et heureusement il y a bien mieux Ă se mettre sous la dent ! đ
Quelles séries regarder à la place ?
The woman in the house across the street from the girl in the window, Netflix
Pour une bonne parodie qui colle vraiment au genre (un thriller psychologique) avec de nombreuses scĂšnes hilarantes
UnREAL, myCanal
pour une série dramatique prenante sur la télé-réalité du Bachelor et ses coulisses hautement divertissant, les rois de la manipulation sont de sortie.
Family Business, Netflix
pour retrouver le gĂ©nie comique de Jonathan Cohen dans une bonne comĂ©die familiale pleine dâhumour.
Narvalo, myCanal
pour une autre crĂ©ation originale Canal+ qui met en avant le talent dâorateur de nombreux jeunes acteurs qui viennent conter des histoires pas croyables Ă leurs potes, et nous avec
Dave (aka Lil Dicky), saison 1, myCanal
La sĂ©rie la plus drĂŽle avec lâhumour le plus travaillĂ© quâil mâest Ă©tait donnĂ© de voir ces derniĂšres annĂ©es, et je pĂšse mes mots.
Prochain Ă©pisode » Une sĂ©lection de sĂ©ries LGBTQ+đłïžâđ pour cĂ©lĂ©brer le mois des fiertĂ©s Ă venir
Fear Of Missing Out, soit la peur de rater qqc pour Pierre*
Ă lire avec lâaccent anglais por favor
Jonathan Cohen